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Genève : Dimanche de tempête en ville et aux bords du lac

Proposé par : admin Le 15/11/2004 à 19:22

118 ExpressC'est l'un des vingt-quatre mâts plantés dans le tablier du pont du Mont-Blanc qui a donné l'alerte. A 11h30, hier dimanche, il se met subitement à la verticale et menace de tomber sur la chaussée. Un second exécute la même figure à la hauteur du Jardin anglais.


Ce dangereux garde-à-vous exige l'intervention rapide des pompiers et, surtout, la fermeture du tronçon dans les deux sens. Avant midi, plus une voiture ne circule sur le pont. D'importants bouchons se forment sur les deux rives, pendant que la police gère dans le calme la circulation.

 

Pour les hommes du SIS chargés d'affaler un à un les drapeaux côté lac, le travail est moins paisible. Casque, gilet de sauvetage et baudrier ne sont pas de trop pour affronter de face une bise de plus en plus furieuse. A 13 heures, l'ouvrage est rendu aux automobilistes et aux piétons, mais un autre chantier vient de s'ouvrir au départ du quai Wilson. Sur le toit d'un immeuble occupé par une banque, les attaches d'un fanion claquent dans le vide et risquent, elles aussi, de tomber sur les passants. Trois sapeurs s'accrochent au porte-drapeau comme un jour de guerre.

Mais c'est en arrivant aux Bains des Pâquis que l'on prend vraiment la mesure de la tempête. Les plus téméraires franchissent la passerelle du Goléron en marchant le corps incliné à 45 degrés, avant d'affronter les embruns. Le ciel est bleu et une pluie battante inonde la jetée jusqu'au phare. «Les ­éléments se déchaînent comme rarement», note Jean-Jacques Baud, en mangeant sa soupe aux poireaux à l'intérieur de la rotonde, tout en désignant du doigt l'un des deux radeaux qui vient de se fracasser contre la berge.

Le pire est au bout du quai. Un craquement sourd annonce la chute d'un premier arbre. Et pas n'importe lequel: le peuplier centenaire qui regarde l'avenue de France s'est brisé en mille morceaux sur l'herbe et le bitume. Des éclats de branchage jonchent le sol. Par miracle, les deux enfants qui couraient sur la pelouse sont sains et saufs.

D'autres miracles se répéteront tout au long de l'après-midi dans le parc Mon-Repos et plus loin jusqu'au Jardin botanique. Une douzaine de conifères (essentiellement des pins) sont couchés, laissant apparaître un gros cratère à la racine. Des chemins sont barrés, des lampadaires écrasés; une énorme branche de chêne s'est cassée en deux sur un banc public non loin du Musée ­d'histoire des sciences.

Pompiers à la tronçonneuse

Les pompiers courent en tous sens, qui avec une tronçonneuse, qui avec une bande de marquage, afin de délimiter les zones à risques. Mais personne pour sécuriser des lieux devenus infréquentables, ni pour dire aux promeneurs du dimanche de ne pas s'aventurer sous les arbres qui penchent et se balancent dangereusement.

Il faut dire que le volume des interventions disperse les forces et les énergies (lire encadré). «Nous arrivons de Budé où un échafaudage a dû être consolidé en urgence, raconte le capitaine Dougoud, et une équipe file sur Versoix où un arbre est paraît-il tombé sur une habitation.»

De l'autre côté du lac, les dégâts sont également sérieux. «Plusieurs bateaux à sec, posés sur des cales, ont basculé et ça tapait fort sur les pontons», témoigne ce navigateur qui confirme la violence inhabituelle de la bise. Les mouettes étaient hier les seules à profiter de la baston à fleur de lac. Jusqu'à la nuit, on les a vues gober leur nourriture sur la crête des vagues.

Le jour qui se lève sur Genève, ce lundi, aura son lot de mauvaises nouvelles à annoncer, car il était encore trop tôt dimanche soir pour prendre la mesure exacte des intempéries. Un souffle très mauvais continuait à siffler dans les oreilles à l'heure du bouclage, jusqu'au centre-ville.


Une journée à 240 interventions et 400 appels

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: hier, entre 9h du matin et 21h, le SIS a enregistré 240 interventions. «Une grosse journée», précise le capitaine Magnin. Une journée exceptionnelle, oui, sachant qu'un dimanche normal ne comptabilise qu'une trentaine de sorties en moyenne.

Il a fallu tripler les effectifs à la centrale d'alarme et traiter plus de 400 appels liés aux intempéries. Sur le front de la bise, 40 pompiers professionnels ont œuvré toute la journée, auxquels sont venus s'ajouter 70 sapeurs volontaires issus des différentes compagnies de la Ville. Un certain nombre d'interventions
ont été déléguées aux 20 Corps communaux.

Les chutes d'arbres - sur les lignes TPG, les routes et les voitures - ont mobilisé beaucoup de monde; les échafaudages et les panneaux de chantier ont mis les hommes sur la brèche dès samedi et jusque tard dans la nuit. Enfin, il a fallu «déhamper» le pavoisement d'une ville dont les services concernés n'ont toujours pas pris l'habitude d'écouter les prévisions météo, surtout à l'approche du week-end.

Hier matin, le pont du Mont-Blanc avait les yeux tournés vers la Foire de Genève et le dos au lac.

«Dieu merci, il n'y a pas eu de victimes parmi les citoyens ni dans nos équipes», conclut provisoirement le capitaine Magnin, avant d'ajouter,
lucide: «Nous avons eu la chance aussi de ne pas avoir à intervenir sur un gros feu de comble ou un important accident de la circulation.» Hier, à 23 h, la caserne de la rue des Bains restait sur le qui-vive et le triangle rouge continuait de clignoter, annonçant le départ de nouveaux véhicules.

Th.M. - TDG

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