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Genève : Un immeuble des Pâquis est la proie d’un incendiaire

Proposé par : admin Le 08/11/2004 à 09:33

118 Express

Le locataire du 3e étage est le seul à avoir échappé au geste destructeur de l'incendiaire. Son vélo, intact, est rangé sur un minuscule balcon. Tous les autres deux-roues de l'immeuble, en revanche, ne ressemblent plus à rien. Un tas de ferraille calcinée encombre l'entrée du local à cycles et à l'intérieur six carcasses se balancent à des crochets comme des pièces de viande séchée.



Ce fumoir sauvage, situé au rez-de-chaussée côté cour, a entraîné, tôt samedi matin, l'évacuation complète des habitants vivant au No 8 de la place de la Navigation.

Le feu a probablement pris dans l'un des trois containers en plastique entreposés dans le même espace pour y stocker les ordures ménagères. La fumée envahit rapidement la cage d'escalier, s'insinue par les seuils, fissures et lames de parquet, notamment dans l'appartement du 1er étage où habitent une jeune femme et sa fille de 10 ans.

Trois personnes intoxiquées

Alarmés à 5h40, les pompiers arrivent avec un convoi de cinq véhicules, entament le sauvetage des gens par la grande échelle, tout en attaquant le feu de plain-pied. Trois personnes intoxiquées, dont un enfant, sont acheminées par ambulance à l'hôpital, pendant que les autres sont regroupés dans le hall du proche hôtel Edelweiss.

Les hommes du SIS se retirent peu avant 7h, laissant à la brigade scientifique le soin de commencer les investigations sur les lieux du sinistre. Ils ne savent pas encore qu'ils reviendront au même endroit moins de vingt-quatre heures plus tard.

 

Car dans la nuit de samedi à dimanche, nouvelle alarme. «J'ai senti une odeur de fumée suspecte sur le coup de 2hdu matin, raconte Claudine Fäsch, habitant dans les étages supérieurs. Je suis allée à la fenêtre donnant sur la place et j'ai vu arriver une patrouille de police à toute vitesse.»

«Sortez vite, ça brûle!»

La suite se raconte comme une deuxième évacuation où chaque seconde compte. Le gendarme monte en courant les cinq étages, sonne et frappe aux portes en hurlant à chaque palier: «Sortez vite. Ordre de police. Le feu est dans l'immeuble.»

En moins de dix minutes, une douzaine de personnes se retrouvent à nouveau dans la rue, qui avec un bébé de six mois, qui avec un chien, un chat ou encore un lapin. Leur voisin de trottoir, Ahmed, sur le point de fermer son kebab, prolonge d'une heure et propose à boire et à manger aux infortunés locataires du No 8, qui assistent, impuissants, à l'intervention des pompiers, avant de pouvoir réintégrer leurs appartements.

La police, elle, restera en faction devant la porte d'entrée de l'immeuble jusqu'au lever du jour, tout en procédant à des contrôles d'identité dans le quartier.
«Nous sommes tous très inquiets», poursuit Madame Fäsch, en commençant elle aussi par se demander, à raison, l'identité de son visiteur dominical. Inquiétude légitime compte tenu de la configuration des lieux: la porte principale de l'immeuble n'est en effet jamais fermée, contrairement à celle qui mène dans les étages et qui, depuis deux années seulement, dispose d'un code.

L'accès à la cour intérieure est donc aisé. Une bonne connaissance de l'endroit et des habitudes nocturnes de ceux qui y résident permet d'accéder sans peine au local à vélos, au besoin même d'y dormir. «J'ai plusieurs fois déjà croisé devant les boîtes à lettres des gens qui n'habitent pas dans l'immeuble», confirme cet autre locataire dont les horaires de travail l'obligent à rentrer tard le soir. «Pour autant, ils n'avaient pas des comportements d'incendiaires. Celui ou ceux qui ont mis le feu samedi puis dimanche sont de dangereux irresponsables.»


Un acharnement criminel et signé

Les pompiers excluant l'hypothèse d'un feu mal éteint, c'est bien sur une piste deux fois criminelle que travaille la Brigade de police technique et scientifique. Elle dispose pour cela de plusieurs indices et témoignages. A commencer par ces coups de sonnette intempestifs vers 2 h du matin dans la nuit de vendredi à samedi. Un appelant anonyme a réveillé différentes personnes en utilisant les touches du code d'entrée de l'immeuble. Comme personne ne lui a ouvert, il a brûlé à la cigarette ou au briquet le boîtier en plexiglas protégeant l'écran lumineux sur lequel s'affichent les noms. Ce geste vengeur, il l'a répété quelques heures plus tard dans le local où il avait réussi à s'introduire, mettant le feu à l'un des containers remplis d'ordures ménagères. Il aurait même prolongé son acte au moment de quitter les lieux, en allumant du papier entassé dans l'une des boîtes à lettres de l'allée.

En revenant sur les lieux de son forfait la nuit suivante, il a sans doute pris soin d'emmener avec lui des matériaux inflammables, car l'espace était à ce point dévasté, jusqu'au plafond, que plus rien ne pouvait brûler à cet endroit. Cet acharnement pour l'heure inexplicable induit un comportement de pyromane davantage qu'une étourderie de mauvais coucheur. Il peut tout aussi bien s'inscrire dans une logique de vengeance personnelle.

Une chose est certaine à ce stade: l'incendiaire a une signature et on ne peut pas lui faire le reproche de brouiller les lieux pour la cacher.

C'est bien ce qui inquiète les habitants de la place de la Navigation, contraints de dormir les fenêtres ouvertes en raison de l'odeur de fumée.
(thm)

Thierry Mertenat - TDG

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