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Deux armes contre les feux de forêt

Proposé par : admin Le 08/08/2008 à 12:00

SciencesL'été revient, malheureusement accompagné de ses traditionnels feux de forêt. Mobilisés, les scientifiques du CNRS tentent de trouver des parades. La preuve avec deux innovations.




© N. Merlet/GEODE/2007

L'un des capteurs du dispositif Hydroleme, testé avec succès en 2007 dans les Pyrénées-Orientales. Il mesure l'hydratation des feuilles pour prévenir au mieux les incendies.

Anticiper en quelques minutes la propagation d’un feu de forêt : un doux rêve de pompier ? Pas du tout. C’est ce que fait le système Fire Code développé par Bernard Porterie et ses collègues de l’Institut universitaire des systèmes thermiques industriels (Iusti) à Marseille1, et leurs partenaires2. Fire Code est un logiciel capable de prédire la progression d’un incendie à partir de trois paramètres : la topographie du terrain, la végétation, et le vent.
Pour le tester, les chercheurs ont utilisé l’incendie de Lançon de Provence qui ravagea 700 hectares durant l’été 2005. Face à quatre autres logiciels français et américains, Fire Code s’est révélé le plus rapide et le plus précis : en 64 secondes, il a déterminé les contours du feu, heure après heure, avec une précision étonnante. Comment expliquer cette efficacité hors pair ? Par le fait que ce logiciel prend en compte non seulement les hétérogénéités liées au terrain, à la végétation et au vent, mais aussi les « sautes » de feu – des rafales de vents brutales capables d’arracher des particules enflammées comme des feuilles ou des aiguilles de pin – qui peuvent allumer un nouveau foyer à plusieurs centaines de mètres. Pour ce dernier point, il s’appuie sur un modèle déjà utilisé pour simuler la propagation d’une épidémie : dans ce cas, à la place de la saute de feu, il faut imaginer un voyageur qui transporte une maladie de Singapour à Marseille.

Mais ce n’est pas tout. Outre sa rapidité et sa pertinence, Fire Code peut être couplé à un réseau de capteurs de température disséminés sur le terrain : les capteurs Fire Sensors mis au point par la même équipe. Lorsqu’un incendie se déclare, les flammes détruisent le capteur qui cesse d’émettre, ce qui déclenche l’alarme. « Cela permet de connaître le lieu précis où l’incendie s’est allumé, explique Bernard Porterie. Or, cette information est capitale pour les pompiers, elle leur permet de se positionner au mieux. » En juin, quatre démonstrateurs vont être installés autour d’Aix, de Marseille et de Sophia-Antipolis. La commercialisation est prévue à la fin de l’année pour un coût estimé à 1 000 euros à l’hectare.

Hydroleme mesure les risques
À Toulouse, Jean-François Galtié, chercheur au laboratoire « Géographie de l’environnement » (Géode)3 et… pompier volontaire, a mis au point un autre type de capteur, qui permet cette fois de connaître précisément et presque en temps réel le risque de feu de forêt : pour cela, le capteur Hydroleme mesure le taux d’humidité dans les plantes, un paramètre dont dépend directement le risque d’incendie. « Or l’état hydrique d’une plante peut évoluer dans la journée, explique-t-il. C’est pourquoi nous avons imaginé un capteur capable de fournir des données fréquentes et précises. »

Son originalité : faire des mesures in situ, non destructives, sur le végétal vivant. Pour cela, Jean-François Galtié a conçu un dispositif dont Marc Lescure, de l’Enseeiht4, a développé l’électronique. Un support immobilise délicatement une feuille de la plante choisie. À chaque mesure, une diode électroluminescente (Led) et une « photodiode » réceptrice se placent de part et d’autre de la feuille, sans contact. La Led émet une certaine quantité de lumière dans l’infrarouge moyen, un domaine du spectre lumineux fortement absorbé par l’eau. À la sortie, la photodiode mesure la quantité de lumière qui a traversé la feuille : la différence donne la teneur en eau. Une fois la mesure réalisée, le boîtier envoie les données sous la forme d’un SMS via le système GSM – le réseau habituel des téléphones mobiles – vers un serveur qui les transfère sur un site web dédié.

Breveté par le CNRS, l’université de Toulouse-II et l’Institut national polytechnique de Toulouse, Hydroleme a de nombreux atouts : mise en place rapide, fonctionnement autonome, fréquence des mesures… et coût. « Aujourd’hui, le niveau de risque d’incendie est fourni de manière globale par la météo. Avec un réseau de capteurs Hydroleme bien répartis, on peut orienter plus efficacement les effectifs de pompiers sur les zones à risque », souligne Jean-François Galtié. La méthode a été testée avec succès en 2007 dans les Pyrénées-Orientales. Notre scientifique-pompier cherche un industriel pour produire et commercialiser son invention. « Actuellement, le risque d’incendie s’aggrave dans le Sud-Ouest de l’Europe à cause de l’exode rural et de l’abandon des espaces forestiers », souligne-t-il. Or Hydroleme pourra fonctionner tel quel, dans tous les pays du Bassin méditerranéen.

Coralie Hancok et Jean-François Haït

Source : CNRS

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